lundi 28 février 2011

Loi organique N°88-32 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques

Loi organique N°88-32 du 3 mai 1988 organisant les partis politiques (JORT n°31 du 6 mai 1988, page 703)

Au nom du peuple;
La Chambre des députés ayant adopté ;
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Chapitre premier

Principes généraux
Article premier
Le parti politique est l'organisation politique de citoyens tunisiens liés, d'une façon permanente et dans un but non lucratif, par des principes, opinions et objectifs politiques autour desquels ils se réunissent et dans le cadre desquels ils s'activent en vue de :
  • Contribuer à l'encadrement des citoyens et à l'organisation de leur participation à la vie politique du pays, dans le cadre d'un programme politique;
  • Intervenir dans les élections prévues par la Constitution et par la loi en présentant ou en patronnant des candidatures.
Article 2
Le parti politique agit dans le cadre de la Constitution et de la loi :
  • Il doit, dans son activité, respecter et défendre notamment :
    • L'identité arabo-musulmane ;
    • Les droits de l'Homme tels que déterminés par la Constitution et les conventions internationales, ratifiées par la Tunisie ;
    • Les acquis de la nation et, notamment, la forme républicaine du régime et ses fondements, le principe de la souveraineté populaire telle qu'elle est organisée par la Constitution et les principes organisant le statut personnel.
  • Il doit en outre :
    • bannir la violence sous toutes ses formes ainsi que le fanatisme, le racisme et toutes autres formes de discrimination ;
    • s'abstenir de toute activité de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, à l'ordre public et aux droits et libertés d'autrui.
  • Article 3
    Un parti politique ne peut s'appuyer fondamentalement dans ses principes, activités et programmes sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région.
    Article 4
    Ne peuvent adhérer à un parti politique :
    • les militaires en activité ;
    • les magistrats ;
    • les personnels des forces de sécurité intérieure, définis à l'article 4 de la loi n° 82-70 du 6 août 1982, portant statut général des forces de sécurité intérieure :
      • les personnels des services actifs des douanes ;
      • les personnes âgées de moins de dix-huit ans.
    Article 5
    Un parti politique doit être organisé sur des bases et des principes démocratiques. Ses statuts doivent être conçus en conséquence.
    Article 6
    Un parti politique ne peut se constituer que lorsqu'il y a dans ses principes, options et programmes, ce qui les distingue des principes, options et programmes des partis légalement reconnus.
    Article 7
    Les fondateurs et dirigeants d'un parti politique doivent être exclusivement de nationalité tunisienne depuis dix ans au moins. Ils ne doivent pas avoir été condamnés définitivement pour crimes ou pour délits à plus de trois mois d'emprisonnement ferme ou une peine d'emprisonnement supérieure à six mois avec sursis, sauf réhabilitation. Ne constituent pas un empêchement pour être fondateur ou dirigeant d'un parti politique, les condamnations définitives pour infractions non intentionnelles. Les adhérents à un parti politique doivent être de nationalité tunisienne au moins depuis cinq ans.

Chapitre II

Constitution
Article 8
Un parti politique ne peut se constituer et exercer ses activités qu'après l'obtention d'une autorisation accordée par arrêté du ministre de l'Intérieur, publiable au Journal Officiel de la République Tunisienne.
Le parti politique légalement constitué aura la capacité juridique après une insertion au Journal Officiel de la République Tunisienne d'un extrait mentionnant notamment :
  • les nom, objet, devise et siège du parti ;
  • les noms, prénoms et professions de ses fondateurs et de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de sa direction :
  • la date de l'arrêté de l'autorisation de sa constitution.
Article 9
Le silence de l'administration jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date du dépôt de la déclaration et des statuts, selon les formes prévues à l'article 11 de la présente loi, équivaut à acceptation.
Le parti sera, alors, constitué et aura la capacité juridique, dès la publication au Journal Officiel de la République Tunisienne d'un extrait mentionnant notamment :
  • les nom, objet, devise et siège du parti ;
  • les noms, prénoms et professions de ses fondateurs et de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de sa direction ;
  • la date et le numéro du récépissé visé à l'article 11 de la présente loi.
La décision de refus de l'autorisation doit être motivée aux intéressés dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date du dépôt visé à l'article 11 de la présente loi.
Article 10
La décision de refus de l'autorisation est susceptible de recours selon la procédure en matière d'excès de pouvoir prévue par la loi n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au Tribunal administratif devant une chambre spéciale siégeant au Tribunal administratif et ainsi composée :
  • le premier président du Tribunal administratif : président ;
  • un président de chambre au Tribunal administratif : membre ;
  • un président de chambre à la Cour de Cassation : membre ;
  • deux personnalités connues pour leur compétence en matière politique ou juridique : membres.
Les membres de cette chambre sont désignés par décret.
Les décisions de cette chambre sont définitives et ne sont susceptibles d'aucun recours.
Article 11
Les personnes désirant constituer un parti politique doivent déposer au siège du ministère de l'Intérieur :
  • Une déclaration mentionnant :
    • les nom, objet, devise et siège du parti.
    • les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles de ses fondateurs et de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de sa direction, ainsi que les numéros, dates et lieux de délivrance de leurs cartes d'identité nationale.
  • Cinq exemplaires des statuts.
  • La déclaration et les pièces y annexées doivent être signées par deux fondateurs ou plus et sont assujetties au timbre de dimension. Il en sera donné récépissé.
Article 12
Tout parti politique légalement constitué peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer :
  1. les cotisations de ses membres ;
  2. les locaux et le matériel destinés à l'administration du parti et à la réunion de ses membres ;
  3. ses biens.
Les dons et les libéralités doivent faire l'objet d'une déclaration mentionnant notamment l'objet, la valeur et le ou les auteurs du don ou de la libéralité. Cette déclaration est faite par les dirigeants du parti au ministère de l'Intérieur dans les trois mois qui suivent la donation ou la libéralité.
Article 13
Les dirigeants d'un parti politique, légalement constitué, doivent déclarer au ministère de l'Intérieur et au gouverneur intéressé toute création de sections, ou groupements secondaires le cas échéant.
La déclaration qui doit être faite, dans le délai de sept jours, doit préciser :
  • les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des dirigeants de ces sections ou de ces groupements ;
  • les numéros, dates et lieux de délivrance des cartes d'identité nationale de ces dirigeants ;
  • l'adresse exacte de chaque section ou groupement.
Article 14
Toute modification apportée aux statuts pendant le fonctionnement du parti politique doit être autorisée par le ministre de l'Intérieur dans les mêmes conditions et formes requises pour sa constitution initiale.
Cette modification doit être rendue publique dans les mêmes conditions prévues à l'article 8 (alinéa 2) de la présente loi.
Article 15
Tout parti politique est tenu de faire connaître, dans un délai de sept jours au ministère de l'Intérieur, tous les changements survenus dans sa direction, les changements dans la direction de ses sections ou groupements secondaires ainsi que les changements des adresses de son siège, de ses sections ou de ses groupements.
La déclaration des changements dans la direction ou des adresses de ses sections ou groupements secondaires doit être faite également au gouverneur intéressé.

Chapitre III

Contrôles et sanctions
Article 16
Le parti politique ne peut recevoir aucune aide matérielle directe ou indirecte de l'étranger ou d'étrangers établis en Tunisie, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit.
Il doit tenir une comptabilité à partie double et un inventaire de ses biens meubles et immeubles.
Il est tenu de présenter ses comptes annuels à la Cour des Comptes. Il doit être à tout moment à même de justifier la provenance de ses ressources financières.
Article 17
Un parti politique ne peut lancer des mots d'ordre de nature à prôner ou à encourager la violence en vue de troubler l'ordre public ou d'engendrer la haine entre les citoyens.
Article 18
Sans préjudice de l'application des autres dispositions en vigueur et, notamment, celles d'ordre pénal, à l'égard de tout fondateur, dirigeant ou membre du parti politique faisant l'objet de poursuites judiciaires, le ministre de l'Intérieur peut, en cas d'extrême urgence et en vue d'éviter que l'ordre public ne soit troublé, prononcer, par décision motivée, la fermeture provisoire des locaux appartenant ou servant au parti politique en cause et suspendre toute activité de ce parti politique et toute réunion ou attroupement de ses membres.
La fermeture provisoire et la suspension de l'activité d'un parti politique décidées par le ministre de l'Intérieur ne doivent pas dépasser un mois.
Au terme de ce délai et à défaut de poursuites judiciaires pour dissolution, le parti politique recouvre tous ses droits sauf si un nouveau délai, qui ne doit en aucun cas dépasser deux mois, est accordé par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Première Instance de Tunis, à la demande du ministre de l'Intérieur.
Article 19
Le ministre de l'Intérieur peut, en cas de violation grave des dispositions de la présente loi, demander la dissolution d'un parti politique au Tribunal de Première Instance de Tunis et notamment :
  1. si par ses programmes ou par ses activités, il porte atteinte aux principes énoncés aux articles 2 et 3 de la présente loi ;
  2. si ses buts réels, son activité ou ses agissements se révèlent contraires à ses statuts;
  3. s'il a été établi qu'il a reçu directement ou indirectement une aide matérielle d'une quelconque partie étrangère ;
  4. si son activité se révèle fondée sur une cause illicite.
Article 20
Le ministre de l'Intérieur saisit le Tribunal de Première Instance de Tunis par requête, et doit citer le jour même le représentant du parti par voie d'huissier notaire pour comparaître devant le tribunal dans un délai maximum de 10 jours. La convocation doit être jointe à la copie de la requête et des pièces y annexées.
Le parti en cause doit présenter, 3 jours avant la comparution, ses conclusions en une seule fois ; copie en est adressée le jour même au ministre de l'Intérieur.
Après les plaidoiries qui ont lieu le jour de la comparution, le président du tribunal déclare les débats clos. Le tribunal doit statuer sur le fond dans un délai ne dépassant pas 20 jours à partir de la clôture des débats. Le jugement doit être rédigé le même jour.
Article 21
En cas d'appel, l'appelant dépose une requête au greffe du Tribunal de Première Instance de Tunis. Le greffier de cette juridiction doit transmettre sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la Cour d'Appel de Tunis.
L'appelant doit citer, le jour même du dépôt de la requête, l'intimé par voie d'huissier notaire pour comparaître devant la Cour d'Appel de Tunis, dans un délai maximum de 10 jours. La convocation doit être jointe à la copie de la requête d'appel.
L'intimé doit présenter, 3 jours avant la comparution, ses conclusions en une seule fois ; copie en est adressée le jour même à l'appelant.
Les règles édictées par le dernier paragraphe de l'article 20 de la présente loi sont applicables à l'audience de plaidoirie et à la rédaction de l'arrêt.
Article 22
En cas de pourvoi en cassation, l'avocat dépose une requête au greffe de la Cour de Cassation, accompagnée d'un mémoire indiquant ses moyens et précisant les dispositions dont il demande la cassation ainsi que ses prétentions avec toutes les preuves à l'appui. Il signifie une copie de sa requête et de son mémoire le jour même à son adversaire.
Le défendeur au pourvoi doit présenter dans les 10 jours, par avocat à la Cour de Cassation, un mémoire en réponse qu'il déposera avec toutes les preuves à l'appui, au greffe de la Cour après en avoir communiqué une copie à l'avocat de son adversaire.
La Cour de Cassation doit rendre son arrêt dans les 20 jours qui suivent. Si elle décide la cassation de l'arrêt, elle statue sur le fond.
Article 23
Les délais de recours contre les jugements ou arrêts sont de 10 jours à compter de la date du prononcé du jugement ou de l'arrêt. Les recours sont suspensifs de la décision attaquée.
Au cours de la procédure, le ministre de l'Intérieur peut demander, à tout moment, au président du Tribunal de Première Instance de Tunis, statuant en référé, la fermeture provisoire des locaux et la suspension des activités du parti en cause.
La décision de fermeture et de suspension est exécutoire sur minute nonobstant appel.
Les dispositions des articles 20, 21 et 22 de la présente loi ne font pas obstacle aux règles du Code de procédure civile et commerciale qui ne leur sont pas contraires.
Article 24
Les statuts du parti politique doivent, dans le cadre de la réglementation en vigueur, prévoir des règles de liquidation des biens et valeurs du parti en cas de cessation d'activité.
En cas de dissolution, les biens et valeurs du parti politique seront liquidés par l'administration du domaine de l'Etat.
Article 25
Est puni d'un emprisonnement de cinq ans au maximum tout fondateur ou dirigeant d'un parti :
  • qui entretient avec une partie étrangère quelconque ou avec ses agents directement ou indirectement des intelligences ayant pour objet de porter atteinte à la sécurité, de troubler l'ordre public ou de nuire à la situation politique ou économique de la Tunisie.
  • qui se livre à une propagande politique au profit d'une partie étrangère quelconque en vue de porter atteinte aux intérêts de la Tunisie et à sa sécurité.
  • qui communique à une partie étrangère quelconque ou à l'un de ses agents tout document ou renseignement à caractère confidentiel touchant au domaine militaire, politique, diplomatique, économique ou industriel.
  • qui, par son attitude, ses contacts, ses prises de position, ses propos ou écrits vise à entreprendre une action de déstabilisation de la nation dans le but de troubler l'ordre public ou de porter atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat.
  • qui reçoit des fonds provenant d'une partie étrangère directement ou indirectement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, pour son compte personnel ou pour le compte du parti.
La tentative est punissable.
Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l'application des articles 60 à 80 du Code pénal.
Article 26
Toute infraction aux dispositions de la présente loi, à l'exception de celles prévues par l'article 25 de la présente loi, est punie d'un emprisonnement de un mois à trois ans et d'une amende de 5.000 à 25.000 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement.
En cas de récidive, la peine est portée au double.
De même, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de dix mille à trente mille dinars, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura participé au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte d'un parti politique non autorisé ou dissout.

Chapitre IV

Dispositions transitoires
Article 27
Les partis politiques qui ont une existence légale à la date de la promulgation de la présente loi, doivent, dans un délai de 6 mois, se conformer aux dispositions de la présente loi ; les autorisations qui leur ont été déjà accordées demeurent valables.
La présente loi sera publiée au Journal Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l'Etat.

Tunis, le 3 mai 1988
Zine El Abidine Ben Ali


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